Culture,  Peinture

L’âme du folklore

La vie villageoise, avec sa culture riche et vivante, a inspiré des artistes depuis des siècles: parfois de manière idéalisée, en montrant une arcadie paisible et idyllique, parfois de manière plus réaliste, en décrivant les difficultés de l’existence.

En 1795, la troisième partition de la Pologne eut lieu entre trois empires absolutistes: la Russie, la Prusse et l’Autriche, avec pour conséquence d’effacer le pays des cartes de l’Europe. L’éducation et la législation polonaises étaient abolies. Il fut même temporairement interdit de parler polonais.

Au tournant du 20e siècle, personne ne soupçonnait encore que la situation politique changerait radicalement avec la Grande Guerre. La Pologne allait recouvrer son indépendance en 1918, non seulement à cause du tragique conflit mondial, mais aussi grâce à l’unité et aux efforts des Polonais pour perpétuer leurs traditions.

Paysan’mania

Depuis la seconde moitié du 19e siècle, l’intelligentsia polonaise, sentant l’affaiblissement de l’esprit national, recherchait la polonité notamment dans le folklore des campagnes et des montagnes. Au tout début du 20e siècle, Wladyslaw Reymont (1867 – 1925) publia le roman Les Paysans, pour lequel il allait recevoir le prix Nobel de littérature en 1924. Il y décrit de manière extrêmement suggestive la vie villageoise comme une épopée en harmonie avec la nature, sa beauté et sa brutalité, au rythme des quatre saisons. La vie campagnarde devint la source d’inspiration du mouvement pictural appelé « chłopomania » (littéralement « paysan’mania »).

folklore polonais
Witold Pruszkowski: L’Assomption de la Sainte Vierge Marie. 1883. Huile sur toile. 158 x 253 cm. Peinture perdue pendant la Seconde Guerre Mondiale. N ° dans la base de données de pertes de guerre: 29109 (dzielautracone.gov.pl).

Couleurs villageoises

Des artistes essayaient ainsi de comprendre ce qu’étaient vraiment la culture polonaise et la polonité. Certains d’entre eux découvraient alors dans ces villages polonais fabuleusement colorés et ces rites séculiers et religieux, des valeurs fondamentales et des sources symboliques d’origine autochtone.

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Wincenty Wodzinowski: Musicien. 1893. Env. 1893. Huile sur toile. 161 x 304 cm. Galerie d’Art de Lviv.

Des artistes tels que Wlodzimierz Tetmajer, issus de la ville, épousèrent des filles de villages proches de Cracovie. Wlodzimierz et sa femme Anna vivaient dans une maison en bois et au toit de chaume.

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Włodzimierz Tetmajer avec sa femme. Portrait de mariage, 1890 (domaine public).

Tetmajer, fasciné par le village de Bronowice, figea sur la toile les célébrations religieuses et la vie quotidienne de ses habitants. Dans ses œuvres, les scènettes multiples devinrent un prétexte pour proposer des solutions intéressantes en matière de cadrage, utilisation de couleurs contrastées et intenses, textures variées des peintures.

Włodzimierz Tetmajer: Amourette à l'auberge. 1894
Włodzimierz Tetmajer: Amourette à l’auberge. 1894. Huile sur toile. 93 x 150 cm. Musée National de Cracovie.

La fête de mariage de la belle-sœur de Tetmajer avec le poète cracovien Lucjan Rydel inspira Stanislaw Wyspianski pour l’écriture de la pièce de théâtre Les Noces, l’un des plus célèbres drames polonais.

Les peintres Aleksander Gierymski ou Wincenty Wodzinowski admiraient les costumes folkloriques aux couleurs dominées par le rouge, le blue et le vert, et les jeunes filles à la tête et aux épaules couvertes de perles et d’écharpes colorées.

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Aleksander Gierymski: Fille de Bronowice. 1893-1894. Huile sur toile. 61 x 48 cm. Musée National de Cracovie.
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Wincenty Wodzinowski: Fille à la fenêtre. Avant 1903. Huile sur toile. 134,5 x 76 cm. Musée National de Cracovie.

Wladyslaw Jarocki représentait principalement des scènes montagnardes: Carpates, Podhale et Tatras.

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Władysław Jarocki: Helenka de Poronin. 1913. Huile sur toile. 98 x 100 cm. Musée National de Varsovie.
Houtsoules dans les Carpates
Władysław Jarocki: Houtsoules dans les Carpates. 1910. Huile sur toile. 201 x 282 cm. Musée National de Varsovie.
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Władysław Jarocki: Szymek Dorula de Poronin. 1912. Huile sur toile. 98 x 70 cm. Musée Régional de Toruń.

Musique et religion dans le folklore polonais

Avec d’autres, Théodor Axentowicz souligna l’importance de la musique folklorique dans la vie de la population rurale. Lors des mariages et des fêtes de village en plein air ou à l’auberge, elle était joyeuse, se caractérisant par un rythme clair et une mélodie simple. L’oberek, originaire de Mazovie, la région de Varsovie, ainsi que la polka étaient des danses rapides et impressionnantes.

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Teodor Axentowicz: Oberek. 1895. Huile sur toile. 85 x 112,5 cm. Musée National de Varsovie.
Wincenty Wodzinowski
Wincenty Wodzinowski: Sur une note familière. 1889. Huile sur toile. 151 x 247 cm. Musée National de Cracovie.

La musique folklorique pouvait aussi être plus mélancolique, à l’occasion des célébrations religieuses de la Toussaint ou du Vendredi Saint. Des mendiants joueurs de lyre erraient aussi de village en village pour interpréter des chansons sur la mort et la fragilité de la vie.

Michał Elwiro Andriolli
Michał Elwiro Andriolli: Joueur de lyre. 1880. Gravure sur bois.

La religion catholique était un des facteurs forts unissant la population. D’autant plus que son rituel trouvait certaines racines de coutumes slaves.

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Aleksander Gierymski: Angélus. 1890. Musée National de Varsovie.
Samedi Saint à Bronowice
Włodzimierz Tetmajer: Samedi Saint à Bronowice. 1897. Huile sur toile. 134 x 248 cm. Musée National de Cracovie.

Souvenir

Les typiques maisons rurales en bois sont rares aujourd’hui. On en conserve le souvenir grâce à des peintures et des musées ethnographiques reconstituant d’anciens villages polonais.

artpolonais.com
Kazimierz Sichulski: Cottage. Avant 1905. Huile sur toile. 77,5 x 74,5 cm. Musée National de Varsovie.
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Musée ethnographique de Kolbuszowa. Photo: artpolonais.com.

Certaines de ces toiles font partie de l’impressionnante exposition intitulée « POLOGNE. 1840-1918. Peindre l’âme d’une nation » rassemblant 120 œuvres des plus grands artistes polonais au musée du Louvre-Lens du 25 septembre 2019 au 20 janvier 2020.


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