On dit parfois de lui: un prénom tchèque, un nom de famille allemand, un artiste polonais. Wlastimil Hofman naquit à Karlino, près de Prague, en 1881, d’un père tchèque et d’une mère polonaise. Résultat de la germanisation de la région, le nom Hofman était la traduction d’un mot tchèque signifiant « homme de cour ». Il ne savait pas encore qu’il lierait sa vie à la Pologne.
À l’âge de huit ans, Wlastimil déménagea avec sa famille à Cracovie, où il allait demeurer, hormis de courtes périodes, jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. De 1895 à 1899, il fréquenta les ateliers de Jan Stanislawski, Jozef Unierzynski et Jacek Malczewski à l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie. Malczewski le marqua particulièrement.
Diplômé avec distinction, Hofman séjourna alors deux ans à Paris pour étudier dans l’Atelier de Jean-Léon Gérôme, élève de Jean-Auguste-Dominique Ingres. De retour à Cracovie, il poursuivit ses études auprès de Leon Wyczolkowski en 1901 et 1902. À partir de 1912, il donna des cours à l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie, alors dirigée par Jacek Malczewski.
Symbolisme
A cette époque, Cracovie était une capitale culturelle importante, une icône du mouvement Jeune Pologne, marqué par le pessimisme décadent fin-de-siècle. Les influences expressionniste et sécessionniste y étaient étroitement liées. Mais surtout, le symbolisme polonais dominait. Malczewski en était le représentant le plus important et la peinture de Hofman allait s’inscrire dans la lignée du style allégorique de son mentor et ami.
Dans le symbolisme polonais, on trouve souvent des motifs religieux. Wlastimil aimait particulièrement le personnage de la Madone. L’artiste représentait Marie comme une simple femme du peuple vêtue de tenues folkloriques traditionnelles de Cracovie, souvent les pieds nus et accompagnée d’enfants. Les différents saints étaient généralement peints en vieillards ruraux ou en clochards, et les personnages souvent accompagnés d’anges ou de faunes. Hofman combinait ainsi l’iconographie chrétienne traditionnelle avec des représentations rurales et des croyances populaires.
Les épisodes tirés de la vie des montagnards et les images de paysans reviennent régulièrement dans l’œuvre de l’artiste, lui permettant d’utiliser le caractère décoratif des costumes folkloriques. Sa notoriété augmentant, le peintre exposa à Vienne, Munich et Prague.
Ada
Le déclenchement de la Première Guerre mondiale incita Hofman à s’installer à Prague et à vivre avec son cousin, Ludwik Hammer. Avec sa silhouette mince et délicate, Wlastimil voulait éviter la conscription.
Riche avocat, Ludwik était marié à Ada. L’union avait été arrangée par les familles et n’était pas heureuse. De plus, Ada ne pouvant pas avoir d’enfants, il était considéré qu’elle ne remplissait pas son rôle social. Ludwik travaillait toute la journée et cherchait consolation auprès d’autres femmes.
L’imprévu arriva. Wlastimil et Ada tombèrent amoureux et s’installèrent en 1917 à Cracovie en couple. Quelques années plus tard, ils se marièrent discrètement à Paris, la France étant alors le seul pays pratiquant le mariage civil. Ada devint à la fois la compagne de sa vie, son modèle et son amie la plus proche.
Temps agité
Peu de temps après l’effondrement des empires russe, prusse et austro-hongrois, la Pologne retrouva son indépendance et la République Tchécoslovaque fut créée. Après des années d’inexistence politique et de déplacements des populations, la frontière entre les pays devint un sujet de dispute en 1919, avec le conflit sur la région de Zaolzie. Wlastimil Hofman et son épouse en furent très affectés.
En 1939, après l’invasion de la Pologne par le Troisième Reich Allemand et l’Union Soviétique, Wlastimil Hofman commença de nombreuses années d’errance dans le monde entier, de Moscou à Jérusalem en passant par Istanbul et Jaffa. En 1946, il rentra à Cracovie. Cependant, le système communiste introduit par les soviétiques et les exigences esthétiques réalistes socialistes étaient étrangers à Hofman. C’est pourquoi il décida de s’éloigner avec son épouse dans un endroit isolé. Sur la recommandation d’un ami, il s’installa ainsi dans la petite ville de Szklarska Poreba, située dans les montagnes Karkonosze au sud-ouest de la Pologne, tout près de la frontière tchèque. Il y resta jusqu’à sa mort en 1970.
Wlastimilowka
La petite maison de Szklarska Poreba, dénommée Wlastimilowka d’après le prénom du peintre, grouillait de vie. Elle était souvent remplie d’invités, représentants des milieux artistiques et littéraires, tous fascinés par Hofman et son travail.
De 1953 à 1963, Wlastimil créa une série d’œuvres religieuses destinées à décorer la paroisse locale. Apprécié par la population, il en réalisa de nombreux portraits au fil des années. De manière plus insolite, il représenta des personnalités sportives qu’il appréciait, notamment des footballeurs de l’équipe de Cracovie.
Aujourd’hui encore, on peut visiter Wlastimilowka. La maison se trouve au bout de la calme rue Jan Matejko, sous les arbres et avec vue sur les montagnes de Karkonosze. La fille d’un ami de l’artiste prend soin de la propriété. Avec émotion, tout y est resté comme si le peintre allait revenir dans un instant: un chevalet et des pinceaux, cadeau de Jacek Malczewski à son élève et ami, des œuvres achevées ou inachevées, bibelots et effets personnels dans toutes les pièces. Ada et Wlastimil reposent dans le petit cimetière à côté de l’église du Corpus Christi décorée par l’artiste.