Waldemar Świerzy - Jimi Hendrix. Detal. poster.pl
Affiche

Swierzy, inspiré par le visage

Waldemar Swierzy (1931-2013) compte parmi les graphistes à la renommée internationale. Distingué représentant de l’Ecole de l’affiche polonaise, sa création artistique fut particulièrement fertile avec plus de 1500 affiches.

La première affiche polonaise aurait été réalisée en 1899 par Stanislaw Wyspianski, figure de proue du mouvement moderniste Jeune Pologne et icône de la ville de Cracovie.

En 1926, une section arts graphiques fut fondée à la faculté de l’Université de Technologie de Varsovie. D’abord destinée aux jeunes architectes, le département évolua au fil du temps, formant des artistes dont la créativité allait donner naissance à un phénomène artistique appelé l’École de l’affiche polonaise. Outre Varsovie, ses centres furent Poznan et Katowice.

L’affiche en tant qu’œuvre d’art devint très populaire des années 50 aux années 80, avant que la photographie ne domine les arts visuels.

Débuts

Waldemar Swierzy naquit en 1931 à Katowice, une ville industrielle silésienne fondée au 19e siècle dans un bassin minier. Entre 1947 et 1952, il y poursuivit des études d’arts graphiques dans une faculté plus tard rattachée à l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie. Il eut la chance d’avoir Jozef Mroszczak (1910-1975) comme professeur. Créateur d’affiches depuis 1933, Mroszczak fut à la fois un grand artiste et un promoteur de l’Ecole polonaise. Enseignant en Pologne et à l’étranger, auteur de livres, organisateur d’expositions, Jozef Mroszczak fut l’un des fondateurs en 1968 du premier musée mondial de l’affiche à Wilanow, près de Varsovie. Il apprit à Swierzy l’art de créer un lien équilibré entre l’aspect visuel et le message de l’affiche.

Une fois diplômé et sur le conseil de Mroszczak, Swierzy partit à Varsovie pour trouver un emploi de graphiste chez Wydawnictwo Artystyczno-Graficzne, un éditeur d’art propriété de l’Etat.

Du cirque au cinéma

L’industrie cinématographique avait été nationalisée dès 1945. Les organismes d’Etat chargés de la diffusion des films sollicitaient des artistes, principalement issus de l’école des Beaux-Arts de Varsovie, pour créer des œuvres originales inspirées par l’esprit des films.

Il faut dire que les affiches n’avaient pas véritablement de fonction informative ou publicitaire. L’esthétisme était la priorité. L’affiche devint ainsi une des rares formes d’expression artistique tolérées par l’Etat. Parfois, certains auteurs en profitaient pour faire une allusion discrète à la situation politique, passant à travers les filets de la censure. A partir des années 50, de nombreux artistes créèrent donc des affiches, non seulement pour le cinéma, mais pour toute forme de spectacle.

C’est ainsi que Waldemar Swierzy fit ses premières armes avec le cirque, l’un des thèmes de prédilection des graphistes polonais. Cages aux lions, équilibristes et clowns furent aussi de parfaits sujets pour taquiner la censure communiste. Waldemar réussissait particulièrement bien à suggérer de l’affection, tant pour les clowns innocents que les animaux dressés.

En 1954, Swierzy réalisa une de ses affiches les plus populaires pour le spectacle folklorique Mazowsze. Elle fut tirée à des millions d’exemplaires. 

Waldemar Świerzy: Cirque (poster.pl).
Waldemar Świerzy: Mazowsze (poster.pl).

 Il commença à diversifier son style pour les affiches de cinéma.

Même pour les film étrangers, les censeurs demandaient à des artistes de réinterpréter les affiches originales. En 1955, Waldemar Swierzy réalisa ainsi l’affiche polonaise du film français « L’auberge rouge » (1951). Elle représente le visage allongé de Fernandel, le célèbre interprète du rôle principal du film. Cette œuvre vaudra à Waldemar le Grand Prix Toulouse-Lautrec lors de l’Exposition internationale d’affiches de film de Versailles en 1959. Incidemment, elle lancera sa brillante carrière de portraitiste, qui culminera dans les années 70. 

Waldemar Świerzy: L’Auberge rouge (domain public)

Jazzmen

Arrivé en Pologne dans les années 30, le jazz resta sous le régime communiste un actif représentant de l’influence de la musique occidentale.

En 1958, un groupe de fans créèrent un nouveau festival à Varsovie pour protester contre la rumeur de la dissolution de celui de Sopot. Renommé Jazz Jamboree, il devint rapidement l’un des plus grands festivals d’Europe. En 1965, il s’installa dans le prestigieux centre des congrès du Palais de la Culture et de la Science. Il accueillit les plus grands noms, parmi lesquels Dizzie Gillespie en 1965, Thelonious Monk en 1970, Duke Ellington en 1977, Miles Davis en 1983 et 1988, Ray Charles en 1984, Keith Jarrett en 1985, Michel Pettrucciani en 1988.

Swierzy eut ainsi l’opportunité de créer une série d’affiches intitulée Jazz Greats. Il parvint à saisir parfaitement la personnalité de chaque musicien. Cette série lui apporta une notoriété internationale telle qu’il les rééditera sous la forme de lithographies signées à partir de 2003. Son portrait de Jimi Hendrix en 1974 figure certainement parmi ses œuvres culte.

Dizzie Gillespie par Waldemar Świerzy (poster.pl).
John Coltrane par Waldemar Świerzy (poster.pl).
Jimi Hendrix par Waldemar Świerzy (poster.pl).

Far West

En 1965, Swierzy avait été nommé responsable du studio de design graphique de l’École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Poznan. Il eut l’occasion de donner une série de conférences sur les arts graphiques à La Havane en 1970, puis d’enseigner à l’Université de Mexico en 1979, et à la Hochschule der Kunste de Berlin-Ouest en 1985. En 1979, il fut nommé président de la Biennale internationale de l’affiche de Varsovie.

Après la chute du communisme en 1989, Waldemar Swierzy se tourna vers les sujets américains. Il créa notamment la série Gangsters, y abordant les thèmes des jeux, des fusillades et des grosses voitures. La plupart des travaux de cette série se trouvent aujourd’hui aux États-Unis.

En 1994, il devint directeur du Studio des affiches de l’Académie des Beaux-arts de Varsovie.

Waldemar Świerzy: Mariage (desamodern.pl).
Waldemar Świerzy: Gangsters (desa.art.pl).

Un style remarqué

Au fil des années, Waldemar Swierzy employa une grande variété de techniques graphiques, empruntées tantôt à l’art populaire, la peinture naïve, le pop art et l’art abstrait.

Mais son style le plus caractéristique est une forme de tachisme: des éléments abstraits multicolores tels que des tâches, des points, des traits, à la distribution apparemment erratique, se combinent pour former un ensemble expressif et vivant. Les affiches de Swierzy semblent vibrer. Elles délivrent une émotion simple et un message explicite. Elles reflètent aussi l’histoire de la société polonaise des années 50 aux années 80.

Le portrait resta son thème de prédilection. Donnant une impression d’inachevé, il s’attachait à extraire quelques traits caractéristiques de la personnalité de son sujet et en faire une métaphore.

Waldemar Świerzy: Robert de Niro. Festival du film, 1989 (poster.pl).
Waldemar Świerzy: Chopin (poster.pl).

Reconnaissance

Entre 2003 et 2013, Swierzy peignit une série de 49 portraits de rois, reines et princes polonais. Il termina le dernier quelques jours avant sa mort. Non sans humour, il souhaitait saisir la psychologie de ces personnages historiques.

Il conçut aussi des pochettes d’album, des calendriers et des timbres-poste.

Waldemar Swierzy reçut de nombreux prix pour ses affiches, entre autres au Hollywood Reporter à Los Angeles, et aux Biennales internationales de l’affiche de São Paulo, Copenhague, Lahti et Varsovie.

Certaines de ses œuvres comptent parmi les classiques de l’art de l’affiche et se trouvent dans les plus belles collections du monde, comme celles de l’Institut d’art contemporain de Londres, la Kunstbibliothek de Berlin, le Musée Stedelijk d’Amsterdam, le Musée National de Poznan, le Musée de l’Affiche de Wilanow et l’Ermitage de Saint-Petersbourg.

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Les images sont publiées grâce à la courtoisie de Galeria Plakatu poster.pl.

Waldemar Świerzy: Autoportrait (poster.pl).

Bibliographie:

. Ewa Gorządek: Waldemar Świerzy. Centrum Sztuki Współczesnej Zamek Ujazdowski w Warszawie. Culture.pl

. Andréas Alberti: Les affiches polonaises ou l‘art de l’inattendu. Inst-jeanvigo.eu

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