Les peintures de Lukasz Stoklosa ressemblent à des scènes fantasmagoriques de films historiques. Dans un style figuratif contemporain et original, elles nous font voyager dans le souvenir d’un passé aristocratique perdu. Sensuelles et mystérieuses, elles laissent souvent place au doute et à l’imagination.
Lukasz Stoklosa naquit en 1986 à Kalwaria Zebrzydowska près de Cracovie. En 2010, il fut diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie où il étudia dans l’atelier du professeur Jacek Waltos. Il consacra sa thèse, intitulée La mort et la luxure, au motif de Saint Sébastien dans l’art.
Reconnu par les églises catholique et orthodoxe, Saint Sébastien est classiquement représenté en martyr, attaché à un poteau et transpercé de flèches. Stoklosa choisit plutôt de se concentrer sur le buste d’un homme, peut-être déjà mort, dont le visage délicat rayonne de paix.
Portraits ténébreux
Stoklosa aime les films historiques en costumes et porte un intérêt particulier aux monarques despotiques et ténébreux.
Sa représentation de l’actrice Virna Lisi, interprétant la Catherine de Médicis dans La Reine Margot (1994) du réalisateur français Patrice Chéreau, n’est pas seulement une photographie cinématographique. Le peintre applique en effet son propre filtre pour apporter une certaine ambiguïté émotionnelle au personnage mortifère auquel Nostradamus avait prédit la fin de la dynastie des Valois.
Quant au film Le roi danse (2000) du cinéaste belge Gérard Corbiau, il montre Louis XIV en monarque orgueilleux et perfectionniste, passionné de danse. Avec l’âge, il perd en souplesse et ne peut supporter d’offrir à ses courtisans l’image d’un soleil déclinant. Lukasz Stoklosa choisit de réaliser un portrait soucieux et amer de l’acteur Benoit Magimel, interprétant Louis XIV.
Palais mystérieux
Le peintre réalisa aussi plusieurs nocturnes mettant en scène des intérieurs de palais déserts. L’ambiance crée des sentiments contradictoires, entre l’enchantement de l’élégance mystérieuse des lieux, et l’anxiété de l’abandon et des démons de la nuit. Romantisme et décadence se mêlent : tout paraît fini, il semble trop tard pour changer le cours de l’histoire. L’artiste expliqua s’être notamment inspiré des trames esthétiques des films du réalisateur italien Luchino Visconti.
Les appartements de Napoléon III au Palais du Louvre se caractérisent par les dorures et les tons vifs du style de l’époque. Mais la splendeur qui brille à la lumière du jour s’estompe après le coucher du soleil. Le clair de lune n’a la force de rappeler que les ors encadrant les sièges vides, peut être à l’image de la politique officielle laissant place aux intrigues de cour.
Stoklosa déclara dans une interview que, lorsqu’il voit une foule de touristes dans un palais, il imagine la vie des courtisans et des serviteurs de l’époque, avec chacune leurs difficultés de nature différente. Et il n’en envie aucune.
Erotisme fantomatique
Si elle est essentiellement figurative, l’œuvre de Stoklosa est souvent associée à l’esthétique du style Camp, terme anglo-saxon aux contours incertains, dont les icônes vont du dandy Oscar Wilde à l’extravagante Lady Gaga, en passant par Jean Cocteau, Richard Strauss ou François Ozon. Utilisé par des critiques d’art contemporain pour caractériser une sensibilité gay, elle associe une esthétisation et une théâtralité exagérée, à la dérision, voire l’ironie d’un message.
L’érotisme de certaines peintures de Stoklosa s’accorde avec l’atmosphère mystérieuse des palais, dont les fantômes cachent de nombreux secrets. Tout y est théâtre.
Reconnaissance
Stoklosa reçut en 2013 le prix du maréchal de Basse-Silésie au concours Geppert organisé par des galeries de Wroclaw. Il fit ensuite partie de la sélection de Kurt Beers dans son ouvrage 100 Painters of Tomorrow’ (Londres-New York), publié en 2014 par Thames & Hudson, présentant les peintres contemporains les plus prometteurs selon le galeriste londonien.
En 2015, des œuvres de Lukasz Stoklosa furent présentées à l’exposition Artistes de Cracovie, génération 80-90 au MOCAK, le Musée d’Art contemporain de Cracovie. Considéré comme l’un des créateurs actuels les plus originaux en Pologne, il est régulièrement exposé à la Galeria Zderzak de Cracovie et à la Krupa Gallery de Wroclaw.
Bibliographie:
. LukaszStoklosa.com (online, access: 06.06.2022)
. Mateusz Góra: Zmierzch bogów na obrazach Łukasza Stokłosy (online, access: 06.06.2022) I-d.vice.com.