Olga Boznanska consacra sa vie à sa passion, la peinture, entre Cracovie, Munich et Paris. Avec un style inclassable et des œuvres parfois énigmatiques, elle est considérée aujourd’hui comme une figure majeure de la peinture polonaise.
Olga Boznanska est née en 1865 à Cracovie. Adam, son père, était un ingénieur polonais. Eugenia, sa mère, était une institutrice de langue française en Galice, la région de la Pologne qui était à l’époque sous la domination de la monarchie austro-hongroise. La famille était plutôt fortunée et prêtait grande attention à l’éducation des deux filles: Olga, l’aînée et Izabela, la cadette. Montrant des prédispositions au dessin, Olga fut très tôt encouragée à suivre des cours privés auprès de professeurs de Cracovie. Puis, comme les Académies des Beaux-Arts étaient à l’époque réservées aux hommes, Adam Boznanski envoya sa fille suivre des études auprès de professeurs autrichiens à Munich. Il y résidait alors un groupe d’artistes polonais dont faisait partie Jozef Brandt, un de ses amis.
Apprentissage Munichois
A Munich, Olga ouvrit son propre atelier. A cette époque, ses oeuvres étaient principalement des portraits en pied de grand format. Deux peintures sont particulièrement intéressantes. La première montre une religieuse priant à l’église. Cette représentation d’une femme qui a dédié son existence à un idéal peut préfigurer le propre choix de vie de l’artiste.
La deuxième oeuvre figure une jeune fille entourée de fleurs plantureuses dans une orangerie. Elle semble observer quelqu’un. Ses joues un peu rouge trahissent une émotion. La jeunesse épanouie et la féminité naissante donnent un aspect sensuel à l’oeuvre. Peut-être Boznanska fait-elle référence à sa propre vie, confortable comme un jardin d’hiver grâce à ses parents, mais à la recherche d’une nouvelle indépendance financière. Peut-être s’agit-il encore d’une allégorie de la quête de son propre chemin.
Amours perdues
Le portrait de son professeur Paul Nauen, dont Olga aurait été amoureuse, lui apporta une grande notoriété avec l’obtention de la médaille d’or de l’exposition de la Société des Artistes à Vienne en 1894.
Olga s’était jetée dans le tourbillon du travail créatif. Sur les photos, son expression ferme est celle d’une femme libre et résolue.
Elle se fiança avec Jozef Czajkowski, un peintre de Varsovie, et, pendant plusieurs années, le couple maintint une relation épistolaire. Mais Boznanska ne prit jamais la décision de se marier car elle craignait de devoir abandonner ses activités artistiques. Après des relations infructueuses et malgré des soucis financiers, elle se renferma dans le monde des chevalets et de la peinture. Son portrait de Czajkowski resta néanmoins toujours dans son atelier, même après que celui-ci fonda une famille.
Montparnasse
En 1896, deux de ses œuvres furent acceptées pour une exposition à la Société Nationale des Beaux-Arts du Champs-de-Mars à Paris. Les peintres polonais appréciaient son style, non sans cacher parfois une certaine incompréhension.
Chaque année, l’artiste passait quelques mois à Cracovie, où sa famille possédait encore un logement et où elle avait gardé un atelier. À Cracovie, sa liberté était enviée. La ville et la famille lui manquaient, mais elle ne souhaitait pas revenir. Néanmoins, elle ne changea jamais de nationalité et se présenta toujours comme une peintre de Cracovie.
En 1898, à 33 ans, Olga Boznanska s’installa définitivement à Paris, dans le quartier Montparnasse. Résidant d’abord rue Campagne-Première puis rue de Vaugirard, Boznanska trouva finalement Boulevard Montparnasse, en 1907, un atelier où elle allait travailler pendant plus de trente ans.
Portraits psychologiques
Son style artistique était déjà établi avant d’arriver à Paris. En France, l’artiste se consacra aux portraits psychologiques. Elle aimait représenter ses modèles en touchant leur monde intérieur. Comme Boznanska souhaitait rester libre, elle refusa souvent les commandes de portraits de personnes riches qui ne l’intéressaient pas.
Ses portraits d’enfants sont les plus renommés. Sa peinture la plus connue date de 1894 et représente une jeune fille au regard énigmatique portant un bouquet de chrysanthèmes blancs. Son teint pâle contrastant avec sa bouche rouge, ses yeux noirs grand ouverts légèrement cachés par une imposante chevelure rousse, et l’ombre portée sur le mur grisâtre créent une atmosphère mystérieuse remarquable.
Boznanska peignait lentement, passant beaucoup de temps avec ses modèles. Certains plaisantaient que le sujet vieillisant pouvait devenir chauve avant que son portrait ne soit terminé. L’oeuvre de Boznanska se caractérise par l’absence de contours expressifs du corps et par l’élimination d’éléments superflus décoratifs. L’attention du spectateur est concentrée sur le visage et surtout sur les yeux des personnages. La gamme de couleurs chromatiques crée une atmosphère tendre et intime.
Son style se situe à la limite de l’académisme, du symbolisme et de l’impressionnisme. Elle ne se considéra jamais elle-même comme impressionniste, préférant éviter les groupes artistiques et rester indépendante des nouveaux courants.
Les temps difficiles
L’aide financière de son père prit fin à la mort de celui-ci en 1906. L’artiste se replia sur elle-même, et, dans sa peinture, le noir se fit plus fréquent.
Le déclenchement de la Première Guerre mondiale eut aussi un impact très négatif sur sa carrière. Paris devint une ville déserte et les commandes cessèrent. Malgré ses difficultés financières, candide et généreuse, elle continuait de distribuer de l’argent autour d’elle.
Succès et postérité
Depuis 1886, Olga Boznanska participait à des expositions internationales, entre autres à Amsterdam, Berlin, Londres, Paris et Venise, et fut récompensée à plusieurs reprises, obtenant notamment la médaille d’or de l’Exposition Internationale de Munich de 1905. En 1923, elle représenta l’école française à Pittsburgh aux Etats-Unis, aux côtés d’artistes tels que Pierre Bonnard et Maurice Denis.
Le Grand Prix de l’Exposition Universelle de Paris en 1939 fût son dernier grand succès.
Elle était membre de la Société des Artistes Polonais « Sztuka », de la Société Nationale des Beaux-Arts et de la Société Littéraire et Artistique Polonaise de Paris, ainsi que de la Société Internationale des Sculpteurs, Graveurs et Peintres de Londres. L’artiste fut aussi décorée de la Légion d’Honneur Française en 1912 et de l’Ordre de Polonia Restituta en 1938.
En octobre 1940, Olga décèda à Paris occupé par le Troisième Reich. Avant la Seconde Guerre mondiale, l’artiste était plus connue à l’étranger qu’en Pologne. Oubliée, puis redécouverte dans son pays d’origine après la longue période communiste, le musée de Varsovie organisa une grande exposition rétrospective en 2015. Olga Boznanska est considérée aujourd’hui comme une figure majeure de la peinture polonaise.
Bibliographie:
. Ewa Bobrowska: La grande Boznańska: connue, méconnue, redécouverte? Paris.pan.pl.