Julian Falat
Peinture

Ambiances d’hiver

Le paysage hivernal devint populaire dans la peinture polonaise à la fin du 19e siècle, marquée par l’émergence du mouvement moderniste Jeune Pologne. Représenté le plus souvent de manière réaliste, ce motif s’inscrivait dans l’intérêt renouvelé pour la vie rurale et la beauté de la nature sauvage.

Falat, le maître de la neige

Julian Falat (1853-1929) est sans aucun doute le peintre polonais le plus renommé pour ses paysages d’hiver. Comme nul autre, il sut capter avec justesse les reflets de la lumière sur la neige, jouant avec une palette subtile de teintes bleues, grises et ocres. Il savait aussi évoquer la transparence de l’air vif et la sensation de gel.

L’artiste aimait les formats panoramiques et représenta à plusieurs reprises le thème de la rivière en hiver. Il choisissait des couches épaisses pour traduire la lourdeur des congères étincelantes sur le point de glisser dans le fleuve. Ses paysages hivernaux montrent une nature vierge à la force paisible. L’aigle solitaire y ajoute une sensation de liberté.

peinture polonaise
Julian Fałat: Paysage d’hiver avec rivière et oiseau. 1913. Huile sur toile. 106 x 135 cm. Musée National de Varsovie.

Julian Falat avait l’habitude de dire : notre neige est si belle qu’elle ne peut pas être mal peinte. Certains voient dans son œuvre des références au minimalisme extrême-oriental qu’il découvrit lors d’un voyage au Japon. Il se manifeste par l’absence de présence humaine et un choix restreint de couleurs.

Wierusz-Kowalski, le maître des loups

Son contemporain Alfred Wierusz-Kowalski (1849-1915) était un chasseur passionné, qui vécut en communion avec la nature depuis sa tendre enfance. L’artiste devint populaire sur le marché de l’art pour ses scènes de genre de la vie quotidienne et des coutumes polonaises.

peinture polonaise
Alfred Wierusz-Kowalski: La chasse aux lévriers. Années 1880. Huile sur toile. 60,5 x 74 cm. Collection privée. Photo: Desa Unicum.
Hiver
Alfred Wierusz-Kowalski: Traîneau. Années 1880. Huile sur carton. 36,5 x 57,3 cm. Collection privée. Photo: OneBid.

Mais Wierusz-Kowalski est également renommé pour ses représentations de loups, solitaires ou en meute. Il les avait étudiés en détail et en connaissait l’anatomie et le comportement à la perfection. Dans ses scènes dramatiques d’attaques de traineaux en hiver, le peintre faisait aussi référence à un souvenir d’enfance. Lors d’un voyage dans sa région natale de Suwalki, au nord-est du pays, sa famille fut en effet menacée par une meute en une froide journée de février.

Le rut du loup a lieu ce mois-là en Pologne. A cette période de l’année, les campagnes étaient autrefois non seulement couvertes de fortes gelées, mais aussi investies par des loups agressifs. Il était donc dangereux de s’éloigner du foyer, surtout au crépuscule.

Hiver
Alfred Wierusz-Kowalski: Les loups en hiver. Huile sur toile. 82,5 x 129 cm. Collection privée. Photo: OneBid.

Axentowicz, le portraitiste

Dans le calendrier catholique, quarante jours après Noël, le 2 février marque la Fête de la présentation de Jésus-Christ au Temple. Elle est mieux connue sous le nom de Chandeleur, la fête des chandelles. D’origine païenne, sa tradition symbolique diffère suivant les régions européennes, mais la flamme y a toujours une valeur purificatrice et protectrice. Pendant un orage, les Slaves mettaient une bougie à leurs fenêtres pour éloigner la foudre. En hiver, la flamme était aussi sensée effrayer les loups. Et c’est ainsi que la tradition folklorique représenta Marie avec une bougie entourée de loups.

Fête de la Chandeleur
A gauche: La Chandeleur. Reproduction d’un tableau de Piotr Stachiewicz.
A droite: Teodor Axentowicz : Fête de la Chandeleur. Vers 1890 (Détail).

Teodor Axentowicz (1859-1938) était un portraitiste très réputé de son vivant qui accumula les médailles d’or lors d’expositions internationales. Ayant étudié à Munich, puis à Paris, il collabora au célèbre Panorama de Raclawice, avant de déménager à Cracovie où il devint professeur à l’Académie des Beaux-Arts et cofonda Sztuka, une association faisant la promotion du mouvement Sécession polonaise.

peinture polonaise
Teodor Axentowicz: Portrait de jeune fille sur fond de paysage hivernal. Vers 1920. Huile sur toile. 65 x 80 cm. Musée d’Art de Łódz.

Chelmonski, le contemplatif

Après avoir voyagé en Pologne et en Europe, le peintre réaliste Jozef Chelmonski (1849-1914) s’installa en 1889 dans un village polonais où il vécut proche de la nature. Il s’illustra notamment par son paysage Perdrix dans la neige. Dans cette composition asymétrique et monochromatique, le manteau de neige se confond avec l’horizon brumeux. Au premier plan, des perdrix avancent lentement dans le froid glacial. La quiétude règne. Depuis sa présentation au public, de nombreux critiques se sont extasiés devant la subtilité de cette scène contemplative.

peinture polonaise
Józef Chełmoński: Perdrix dans la neige. 1891. Huile sur toile. 123 x 199 cm. Musée National de Varsovie.

Witkiewicz, le montagnard

Stanislaw Witkiewicz (1851-1915) fut à la fois peintre, écrivain et théoricien de l’art polonais. Il créa le Style de Zakopane, du nom d’une petite ville montagnarde de la chaîne des Tatras, qu’il découvrit en 1886 et dont il fut impressionné par l’architecture en bois.

En tant que théoricien, Witkiewicz soulignait l’importance de la sensibilité subjective de l’artiste observant les phénomènes naturels. Czarny Staw – Blizzard s’inscrit dans cette recherche émotionnelle. Ce lac d’origine glaciaire se trouve sur le sentier menant au plus haut sommet des Tatras du côté polonais, appelé Rysy (2 501 m). Il doit son nom à la couleur de la surface de son eau (czarny signifie noir).

peinture polonaise
Stanisław Witkiewicz: Czarny Staw – blizzard. 1892. Huile sur toile. 76 x 95cm. Musée National de Cracovie.

Les toiles de Witkiewicz mêlent romantisme et naturalisme. Elles évoquent l’attente, voire parfois la peur d’un évènement mystérieux et imprévisible.

Hiver
Stanisław Witkiewicz: Paysage des Tatras. 1907. Huile sur toile. 123,5 x 105,5 cm. Musée National de Cracovie.

Malczewski, le peintre-alpiniste

Issu de la génération suivante, Rafal Malczewski (1892-1965), fils du célèbre peintre symboliste Jacek Malczewski (1854-1929), fit de longs séjours à Zakopane à partir de 1915. Alpiniste et skieur expérimenté, il y fréquenta un groupe d’artistes et s’initia à la peinture, essentiellement en autodidacte.

Ses paysages sont souvent très épurés. Certains montrent des pistes presque désertes dont les traces évoquent le souvenir des skieurs et les arbres décharnés de gigantesques totems.

Hiver
Rafał Malczewski: Skieurs dans les Tatras. 1927. Huile sur toile. 100 x 80 cm. Collection privée. Photo: Desa Unicum.

La peinture la plus connue de Rafal Malczewski représente une voiture sur fond de paysage hivernal. Le tableau réunit la passion du peintre-alpiniste pour la montagne et sa fascination pour le progrès technique qui bouleversait son époque. Une puissante automobile domine un paysage paisible et ensoleillé. Les traces de roues sur la neige et le flouté du dessin mettent l’accent sur la vitesse. On devine la sortie de route à venir.

peinture polonaise
Rafał Malczewski: Une voiture sur fond de paysage hivernal. Vers 1930. Huile, carton. 73 x 104,5 cm. Musée National de Varsovie.

La scène est en effet inspirée d’un événement réel, à l’issue tragique. Les rallyes automobiles avaient fleuri depuis quelques années sur les routes de montagne. En 1930, Julian Ejsmond, écrivain et poète, perdit la vie au volant de sa Bugatti de course, qui filait à 70 km/h alors qu’il revenait d’un rallye d’hiver au lac Morskie Oko. Le peintre commémorait ainsi la disparition brutale de cet ami artiste, qui avait son âge.

Rafal Malczewski créa un style naïf avant-gardiste, parfois appelé réalisme magique, caractérisé par la géométrisation des formes et la force des couleurs.

Hiver
Rafał Malczewski: Paysage de Podhale. Aquarelle. 52 x 70 cm. Collection privée. Photo: Desa Unicum.

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